Coucou les poux! Cette semaine, on parle de la constitutionnalisation de l'avortement avant de regarder "Forrest Gump" sur Netflix. Et puis surtout, on souhaite un joyeux anniversaire à ma maman! On se quittera bien évidemment sur quatre recommandations culturelles. Belle semaine à vous les poux!
Jeudi 24 novembre dernier, les députés ont voté un projet de loi historique qui vise à inscrire l'avortement dans la Constitution. Certaines élues n'ont pas caché leur joie. Je vous renvoie à la photo très émouvante, pleine de symboles que la sénatrice écologiste des Français de l'étranger Mélanie Vogel a posté sur son compte Instagram après le vote du texte. Trois (jeunes) élues écologistes s'enlacent, heureuses, fières.
Mais la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est loin d'être actée. Son parcours semble d'ailleurs semé d'embûches. Moi, je n'ai pas fait de droit constitutionnel (ça fait pourtant rêver). Lorsque j'ai lu que l'Assemblée Nationale avait adopté le texte, je pensais que c'était fait, que l'avortement était inscrit dans la Constitution. J'ai donc mis la chanson People have the power de Patti Smith à fond et j'ai piaillé que c'était merveilleux, que la France filait doucement vers un avenir radieux, plein d'amour, de nature et de houmous.
Pour celles et ceux qui comme moi ont des lacunes en droit constitutionnel, c'est par ici.
PS: de nombreuses artistes de talent se sont penchées sur les avortements clandestins pratiqués avant le vote de la loi Veil en 1975. Je ne saurais que trop vous conseiller L'Evénement d'Annie Ernaux. La Prix Nobel de Littérature (!!!) raconte son avortement clandestin dans les années 1960. Le récit a été somptueusement adapté au cinéma par la réalisatrice Audrey Diwan.
Je vous conseille en outre le film Annie Colère réalisée par Blandine Lenoir avec les magnétiques Laure Calamy, Zita Hanrot et Rosemary Standley. Blandine Lenoir revient sur l'histoire méconnue du Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception, le MLAC.
J'étais bien trop jeune lorsque j'ai vu Forrest Gump du réalisateur Robert Zemeckis pour la première fois. Je n'avais retenu que la célébrissime expression "Cours Forrest". Depuis que le film est sorti sur Netflix, je l'ai vu trois fois. J'ai enfin compris pourquoi il avait remporté six Oscars et quatre Golden Globes à sa sortie au cinéma en 1994.
Forrest Gump, c'est l'histoire d'un "imbécile heureux" qui se retrouve bien malgré lui au coeur des plus grands événements de l'histoire des Etats-Unis. Interprété par l'acteur Tom Hanks, Forrest Gump rencontre John Kennedy, Elvis Presley, Richard Nixon et John Lennon. Il vit la guerre au Vietnam, le Watergate, les manifestations des Afro-Américains et l'abolition de la ségrégation et le début des années sida.
Forrest Gump, c'est aussi l'histoire de la société américaine et de toutes ses ambigüités à travers l'oeil touchant d'un "imbécile heureux".
Une bien belle leçon d'histoire...
Chère Maman,
C'était ton anniversaire il y a quelques jours. Je ne divulguerai pas ton âge parce que tu m'en voudrais. Je précise juste que tu es Sagittaire ascendant Lion. Mes lecteurs et lectrices astrologues (je sais qu'ils sont nombreux) en déduiront, à très juste titre, qu'on ne s'ennuie jamais avec toi.
Une image m'est revenue maman. Toi et moi, sur le périphérique parisien. On roule depuis plus de quatre heures. Il fait chaud, on est en en plein mois de juillet. Mais tu sens le coquelicot et moi, je me sens bien. Ta petite voiture est remplie de livres, de vêtements et de barquettes au chocolat. Tu ne me le dis pas maman, mais je sais que tu es fière de moi. Dans quelques semaines, je vais entrer en prépa littéraire dans un grand lycée parisien. Ne vous en faites pas, vous qui me lisez, point de mythification ici d'une méritocratie un peu passée. Point d'éloge non plus d'un ascenseur social bien périmé même si tu fais partie de cette génération qui croit encore fort en l'école. Tu seras tellement fière maman que pendant mes trois ans de prépa, tu retiendras chacune des dates de mes concours blancs, non par devoir mais par plaisir.
Tu m'as fait découvrir Annie Ernaux (décidément) et Pierre Bourdieu, deux auteurs dont les textes sont désormais au coeur de ma vie. La pensée transclasse te touche particulièrement, toi, la fille de petits agriculteurs champenois diplômée d'une très bonne école de commerce.Tu as dévoré l'ouvrage de la philosophe Chantal Jacquet que je t'ai donné, Les transclasses ou la non-reproduction. Tu es heureuse que je m'approprie la question des transclasses. Bien sûr, tu ne le me dis pas. Tu as hérité de tes parents d'une pudeur délicate et d'une humilité saisissante. Tu m'as transmis cette fierté de n'appartenir à aucun groupe, d'être toujours un peu à côté maman.
Outre que les hommes pensent avec leur pénis, tu m'as appris qu'on pouvait être férocement femme avec une polaire Quechua et des poils sous les bras. Tu m'as fait comprendre qu'être une femme, c'était se battre. Rien à voir donc, avec les manucures impeccables, les jambes épilées et les chaussures à talons. Tu n'as eu de cesse de me répéter qu'il fallait que je sois indépendante financièrement. Cette expression m'a d'abord semblé barbare puis mon cerveau de moineau a fini par comprendre. Je devais me battre pour ma liberté. De ta voix aigüe mais ferme, tu m'as enseigné que dans notre monde, la liberté était d'abord financière. Ton féminisme est pétri de références guerrières. C'est grand, c'est puissant.
Tu m'as appris à rire maman. Rire tout le temps, rire bruyamment (ça, je sais très bien le faire). Rire pour que les chutes soient moins abruptes et les blessures moins douloureuses (et nous savons qu'elles sont nombreuses). Et puis rire de soi, ne pas se prendre au sérieux, être humble. Aller vers les autres, poser des questions, voyager (même si tu flipperas bien au cours de mon voyage en Inde).
Bien sûr tu m'as fait chier maman. Tu m'as fait chier quand tu me répétais qu'il fallait avoir au moins 16 de moyenne, être au lit à 22 heures (ma vie de fille de prof) et que la cigarette, c'était dégueulasse. Et parfois, j'ai un peu peur quand je constate que j'ai hérité de certaines de tes petites manies et que je reprends à foison certaines de tes expressions. Bien sûr on s'aime maladroitement maman. Trente ans d'écart aujourd'hui, c'est beaucoup. On ne se comprend pas toujours. On n'a pas les mêmes mots, pas les mêmes codes.
Alors merci maman. Merci pour ta bienveillance et ta douceur. Merci pour Jean-Jacques Goldman, pour les rôtis du dimanche et les mots du matin. Merci pour tes blagues complètement loufoques sur le chemin de l'école et pour l'amour de tous les jours. Merci pour ton temps maman.
Merci pour ton humanité.
Joyeux anniversaire Maman,
Je t'aime,
Sophie
Ne cours pas Forrest! Voici un film, un podcast, une BD et un compte Instagram (on innove héhé) qui ont égayé ma semaine!
Si la Coupe du monde peut servir à quelque chose (si ce n'est à polluer allègrement et à gentiment nier des droits humains pourtant fondamentaux), c'est à ça: découvrir l'histoire du Qatar, un pays dont on parle assez peu, longtemps écrasé par le poids économique, géopolitique et culturel de mastodontes du Moyen-Orient comme l'Arabie Saoudite, Dubaï ou encore l'Iran. Les réalisateurs, Miyuki Droz et Sylvain Lepetit, documentent la montée en puissance à vitesse grand V de ce tout petit Etat du Golfe.
Avec toute la précision qui caractérise les productions d'Arte, le documentaire se concentre sur l'histoire politique de la pétromonarchie à partir du XIXe siècle et s'appuie sur des interviews de chercheurs spécialistes du Qatar et sur les explications éclairantes du grand reporter de Radio France Aurélien Colly. Tous dressent en outre un panorama passionnant de la société, ou plutôt des sociétés, qataries.
Et bien évidemment si vous n'êtes pas en overdose, voici mon article pour comprendre les nombreuses polémiques soulevées par cette Coupe du Monde.
Je dois vous avouer qu'en lisant le titre du nouveau podcast de la série "On peut plus rien dire", j'ai été un peu piquée. Ces dernières années, j'ai dévoré les livres, les podcasts et tous les contenus qui interrogeaient le poids du patriarcat dans nos relations amoureuses. Moi qui ne m'étais jamais réellement projetée avec un mari et des enfants (au grand dam de mes grands-parents et de certaines de mes amies), je m'étais enfin sentie un peu comprise. Surtout, j'étais passionnée par les explications des spécialistes qui analysaient nos relations amoureuses à la lumière des inégalités entre les hommes et les femmes. Je trouvais cela... révolutionnaire et je m'étais mis à piailler encore plus fort que mon célibat était politique.
Cet épisode est bénéfique à bien des égards. La journaliste Judith Duportail reçoit Christelle Murhula et Douce Dibondo, deux autrices noires qui prennent de la hauteur et du recul par rapport à la révolution romantique. Elles montrent, grâce à des exemples précis, que oui, la révolution romantique est bien un truc de blanc.hes, ou plutôt de privilégiés et que oui, comme chaque pensée, la révolution romantique comporte des écueils. Douce Dibondo dira d'ailleurs au cours de l'entretien que cette pluie de travaux a invisibilisé des "révolutions quotidiennes qui ont déjà eu lieu à la marge des marges par des communautés racisées ou queer". Par leurs paroles éclairantes, Christelle Murhula et Douce Dibondo rendent hommage aux femmes des banlieues, et plus généralement aux femmes des marges dont on ne parle quasiment jamais. J'ai été particulièrement marquée par l'exploration au cours de cet entretien de l'une des pièces manquantes de cette révolution romantique: l'amour noir.
Cette phrase de Christelle Murhula m'a particulièrement fait réfléchir:
Il y a beaucoup beaucoup de femmes depuis la nuit des temps qui sont célibataires (...) mais elles n'ont jamais eu l'occasion de le crier partout (...) elles étaient considérées comme des parias (...) ce ne sont jamais ces récits-là qu'on entend
Dans cette bande dessinée aussi drôle que touchante, Magali Le Huche met sur le devant de la scène un sujet dont on parle trop peu: la phobie scolaire. Des dessins légers, de temps en temps des couleurs flash et des pages feu d'artifice... Le tout au service d'un témoignage fort et sincère.
Magali Le Huche nous ouvre les portes de son âme et de son imaginaire d'adolescente des années 1990. L'expérience vicariante marche à merveille. On s'attache très vite à cette jeune fille, encore un peu enfant, à ses déboires avec l'école classique et à sa passion pour les Beatles. On a le ventre noué quand elle se fait gronder par sa professeure de français qui ressemblait à "Simone Veil en méchante". On s'ambiance avec elle sur les tubes des Beatles à qui elle voue un culte flamboyant et on éprouve un mélange de soulagement et de fierté quand elle trouve enfin une école qui la fait se sentir bien.
Grâce à un humour tout à la fois fin et décalé, la journaliste Solène de Courcy revisite des monuments mondiaux de la peinture avec nos moeurs contemporaines. Un syncrétisme jouissif! De quoi donner envie de redécouvrir les grands classiques de la peinture... et de rire doucement de certaines absurdités de notre monde.