Un jour on m'a dit que j'étais vraiment douée pour transformer les drames de ma vie (je ne sais plus qui est cette personne et ça me hante, donc si c'est toi, n'hésite pas à te manifester pour que je t'offre ma reconnaissance éternelle, je t'assure que ça vaut le coup).
Here we are.
Après sa séparation, une amie regardait sur Youtube les vidéos d’une jeune femme qui a documenté pendant plusieurs mois chaque jour de son post-rupture. J’ai d’abord pensé faire de même (poster des vidéos de mon visage bouffi sur Instagram). Mais je me suis dit que mon amour propre, déjà fragile, ne résisterait pas à cette avalanche visqueuse de morve et de larmes.
J’ai donc ouvert une page sur Kessel sans savoir précisément où ça allait me mener. J’ai commencé par enlever ma mère adorée des heureux bénéficiaires de cette newsletter. J’ai en effet anticipé la réaction maternelle, mélange unique de fiel misandre et d’éternelle empathie pour sa progéniture : “Je t’avais bien dit que les mecs étaient tous des cons !”.
Quelques heures après ma rupture, j’ai pensé à Frédéric Beigbeder.
Frédéric Beigbeder, auteur de Confession d’un hétérosexuel légèrement dépassé (2023), adepte du “On peut plus rien dire”, qui clame à tire-larigot qu’il n’a pas choisi d’être un homme blanc hétérosexuel.
Frédéric Beigbeder, complaisant avec Patrick Poivre d’Arvor et Gabriel Matzneff, le premier accusé par une centaine de femmes de viol, d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel, le second pédocriminel notoire.
Frédéric Beigbeder, à l’origine d’une vague de cyberharcèlement subie par l’autrice Lola Lafon (pour comprendre à quel point le cyberharcèlement est violent, je ne saurais que trop vous conseiller l’épisode du podcast Folie Douce avec la journaliste Rokhaya Diallo).
Fouettez-moi (de toute façon, je n’en suis plus à une flagellation près).
Mais surtout, Frédéric Beigbeder, auteur de L’amour dure trois ans (1997) puisque ma relation allait fêter ses trois ans. Je n’ai pas lu le livre mais je me suis renseignée. Si j’ai bien compris, la durée de l’amour n’a pas de règle. Frédéric nous a donc menti (le goujat). Selon de nombreux spécialistes, un couple qui dure, c’est un couple qui réussit à passer de la passion à l’attachement sans trop de turbulences.
Alors qu’est-ce que je n’ai pas fait pour que mon couple dure ? Est-ce que j’aurais dû porter plus de petites culottes en dentelle quitte, à choper une mycose du turfu ? Est-ce que j’aurais dû insister pour qu’on teste tout le Kamasutra ? Est-ce que j’aurais dû ouvrir mon couple, comme le suggèrent de nombreux intellectuels ? Sourdine les intellos. Sourdine parce que je n’ai jamais réussi à être polyamoureuse, en dépit de mes diatribes sur la liberté. Sourdine parce que j’ai longtemps pensé que mon ex était mon prince charmant et qu’en écrivant cela, j’ai l’impression d’être aliénée.
Mon incroyable psychologue m’a rassurée : de nombreuses femmes expérimentent ce dilemme et il est possible de travailler dessus (j’ai découvert la psychologie sociale. Le principe est simple : ma psy donne une dimension politique à mes émotions. À mon sens, c’est révolutionnaire. Le complexe d’Oedipe, ça commence à être pénible là). Bref, j’ai l’impression d’être une traîtresse à la grande cause des femmes indépendantes alors que j’ai accès à pléthores de bouquins, de podcasts et de figures inspirantes (ma mère et mes grands-mères en pôle position). Et je vous propose d’explorer cela dans un prochain épisode…
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